En tant que chorégraphe, Zam travaille sur l’introduction de l’essence africaine dans la dynamique contemporaine, qu’il nomme aussi « afrosynthèse ». Il propose un travail basé sur le respect du corps en rapport avec tout ce qui l’entoure, en s’inspirant du rituel comme de l’avant-gardisme et la recherche de l’audace. Il met le corps humain au centre de tout dans une dynamique de solidarité créatrice de valeurs. Son objectif est de faire danser tout un chacun et de toucher, au travers de la danse et de son rituel, ce qu’il y a de profondément ancré dans chaque être humain. De ce point de vue, la danse en tant qu’expression artistique, a effectivement un aspect développemental et sanitaire.

L’approche artistique d’Ebale Zam repose sur une recherche de synthétisation des différentes sources d’inspirations du chorégraphe, de ses racines ancestrales et culturelles à ses rencontres, ses maîtres et ses voyages. Il aborde les thèmes de la féminité, de la voix liée au mouvement, du rituel et enfin du métissage. Plusieurs étapes ont marqué sa démarche et son processus de synthétisation. 

Première étape: la synthèse des danses de l’ethnie Fang dont il est originaire:
Issu d’une lignée d’artistes, Ebale Zam danse comme il respire. Dès son plus jeune âge, il apprend la danse et le chant par la confrontation à l’initiation de sa grand-mère., qui le marquera à jamais. Il assiste ensuite aux répétitions de sa maman au sein d’un groupe de danse traditionnelle, qui lui apportera une connaissance globale des différentes danses de son ethnie Beti-fang, le Mengan, le Enyenge, le Bikutsi ,le Osila le Olantcha.
Le Mengan es une lithanie de lépreux liée à l’invocation d’une prêtresse appelée Engouroumbang. Elle se danse assis avec un mouvement de pulsion avant et arrière qui met en valeur une coiffe en tige surplombée d’une plume d’oiseau.



Le Enyenge est une danse minimaliste accompagnant un répertoire de chants en binaire qui a inspiré la rumba congolaise.

Le Bibuktsi est tiré de trois mots - bi veut dire nous, kut qui veut dire le sol, si qui veut dire frapper - et signifie nous frappons le sol. C’est une danse réservée aux femmes qui n’avaient le droit de s’exprimer que dans un cercle de danse au sein duquel elles n’étaient ni censurées, ni jugées et pouvaient alors expulser tout ce qu’elles vivaient dans la société : expériences de mère, de fille, de femme. Même la sexualité y passait. C’était une forme de psychanalyse où la pulsion de leurs pas au sol provoquait une ondulation qui faisait pulser et activer le sternum, provoquant ainsi un bien être accentué par les chants des coeurs des femmes les accompagnant. Les hommes qui dansent le bikutsi sont appelé des hommes-femmes et seuls les percussionnistes sont de vrais hommes introduits dans le bikutsi. Aujourd’hui, le bikutsi est une forme d’émancipation de la femme et beaucoup de chanteuses sont célèbres au Cameroun grâce a ce rythme en ternaire.

Le Osila est une danse qui représente la mode. Les femmes sont guidées par des codes rythmiques très spéciaux et exposent leurs costumes: une jupe de tafia longue jusqu’à la cheville et des peaux de bête superposées qui démontrent la réussite de la chasse et la prouesse des chasseurs. La femme représente, par son costume, la richesse de la tribu. Elle est torse nu avec des seins plats dûs à l’accouchement. C’est donc un critère de beauté qui marque l’expérience de mère et de la vie par le poids de l’âge. On ne danse pas le osila avant 50 ans et les danseuses de osila sont couvertes de plumes d’oiseux qu’on ne peut apprécier que vues de haut. Cela explique leurs mouvements penchés. Ces femmes doivent suivre une initiation qu’a d’ailleurs subi ma grand-mère.

Le Olantcha est une danse métisse avec le Nigeria. Elle s’accompagne de chants, souvent en pidgin. Les danseurs alternent le chant et la danse ou les rotations de la tête. Ils portent une coiffe en forme plate tissée en rotin.
Il y a aussi le Bol qui est une réinterprétation du bal qu’organisaient les allemands par les indigènes qui la réinventent en conservant la tendance valse et le pas de deux.



Toutes ces danses ont fait l’objet d’une synthétisation de la part du jeune Zam, et les fondements des ses racines culturelles:  la féminité, la voix liée au mouvement, le rituel et enfin le métissage. Zam apprend également a chanter par la méthode de l’éveil des cinq sens au service de la voix.

Deuxième étape: la synthèse des danses africaines
Fort de cette base, Ebale Zam se jette dans la recherche grâce à sa rencontre avec Jack Deck en 1988. Il crée ainsi sa première barre, influencé par les recherches de ses maîtres Alphonse Tierou et Zab Maboungou  auxquelles il introduit ses propres acquis. 

Son travail aboutit à la création de la compagnie « Nyanga Dance » en 1993, nyanga signifiant ce qui est espiègle, élégant, et qui se rapporte à la création de valeurs. Alphonse Tierou lui apporte l’occasion d’avoir une méthode avec ses dix mouvement de la danse africaine qui s’inspirent du fléchi et de l’ondulation du buste. Il comprend que tout part du fléchi, depuis le foetus qui est en position fléchie à celui qui grimpe une colline, ou encore l’athlète qui se met en position fléchie avant de se lancer.

La bourse de la francophonie qu’il reçoit en 1998 lui permet de poursuivre ses recherches sur les danses africaines et leur synthèse, en étudiant leurs liens et leurs nuances influencées par le conditionnement de l’environnement de chacun:  celui qui habite dans la forêt va onduler en fléchissant à cause de la forêt touffue alors que le chasseur qui habite la savane aura besoin de sauter au-dessus des hautes herbes pour voir la bête à l’horizon.

Ebale Zam entre ensuite au Ballet National du Cameroun où il apprend les danses des dix provinces du Cameroun. Par ailleurs, le Cameroun a la particularité  d’être une véritable Afrique en miniature, avec plus de 280 ethnies s’y côtoyant. C’est dans ce contexte que Zam approfondit démarche de synthétisation.

Troisième étape: l’introduction de l’essence africaine dans la dynamique contemporaine.
En arrivant en Belgique en 2000, il s’introduit dans la dynamique contemporaine et apprend la technique au sol, le release et les lifts. Il est également inspiré par les côtés avant-gardiste et laboratoire multiculturel qui font de la Belgique un pays de la danse.

ll est aussi indirectement imprégné de l’aura de Béjart par le biais de Menia Martinez, partenaire de danse de Nouriev et danseuse étoile de Béjart, dont il suit l’entrainement en danse classique pendant 15 ans.
La richesse et diversité des expériences d’Ebale Zam, nourries de l’influence du bouddhisme qui respecte la dignité de la vie, offrent aujourd’hui une synthèse cohérente comme fondement (« essence ») de sa pédagogie et de son intérêt pour la création des valeurs Nyanga.